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El café de Ocata
C’était au début des années 80. je rencontre un ancien condisciple de Khâgne et de la rue d’Ulm, que j’avais perdu de vue depuis nos années d’études. Nous prenons un verre, nous faisons en vitesse le bilan de nos vies. Le métier, le mariage, les enfants, les livres projetés ou en cours... Puis mon ami ajoute:- « Il y a autre chose. Maintenant, je retourne à la synagogue.-Tu étais juif ?-Je le suis toujours! Tu ne le savais pas ?- Comment l’aurais-je su ? Tu n’en parlais jamais...- Avec le nom que je porte !- Tu sais, quand on n’est ni juif ni antisémite, un nom, sauf à s’appeler Levy ou Cohen, cela ne dit pas grand-chose... J’ai gardé de toi le souvenir d’un kantien athée. Ce n’est pas une appartenance ethnique ou religieuse ! »
De fait, cet ami faisait partie de cette génération de jeunes juifs si parfaitement intégrés que leur judéité, pour qui en était informé, semblait comme irréelle ou purement réactive. Ils donnaient raison à Sartre : ils ne se sentaient juifs que pour autant qu’il y avait des antisémites. Beaucoup d’entre eux, plus tard, feront ce chemin d’une réappropriation spirituelle, qui donnera un sens positif- celui d’une appartenance, celui d’une fidélité - au fait, d’abord contingent, d’être juif. L’ami dont je parle fut le premier pour moi d’une longue série, qui me donnera beaucoup à réfléchir. Peut-être avions-nous tort de dénigrer systématiquement le passé, la tradition, la transmission ? Mais je n’en étais pas encore là. En l’occurrence, c’est surtout la question religieuse qui me turlupinait. Je lui demande:- « Mais alors, maintenant.., tu crois en Dieu ?- Tu sais, me répond-il en souriant, pour un Juif, l’existence de Dieu, ce n’est pas vraiment la question importante ! »
Pour quelqu’un qui a été élevé dans le catholicisme, comme c’est mon cas, la réponse était étonnante: croire ou non en Dieu, c’était la seule chose, s’agissant de religion, qui me paraissait compter vraiment ! Naïveté de goy. Ce que je lisais, dans le sourire de mon ami, c’était tout autre chose : qu’il est vain de centrer une existence sur ce qu’on ignore, que la question de l’appartenance - à une communauté, à une tradition, à une histoire - est plus importante que celle de la croyance, enfin que l’étude, l’observance et la mémoire - ce que j’appellerai plus tard la fidélité - importent davantage que la foi.
Le judaïsme est religion du Livre. Je sais bien qu’on peut le dire aussi du christianisme et de l’islam. Mais pas, me semble-t-il, avec la même pertinence « Le judaïsme, ajoute mon ami, c’est la seule religion où le premier devoir des parents est d’apprendre à lire à leurs enfants ....» C’est que la Bible est là, qui les attend, qui les définit. Pour un chrétien, sans doute aussi pour un musulman, c’est Dieu d’abord qui compte et qui sauve: le Livre n’est que le chemin qui en vient et y mène, que sa trace, que sa parole, qui ne vaut absolument que par Celui qui l’énonce ou l’inspire. Pour un juif, me semble-t-il, c’est différent. Le Livre vaut pour lui-même, par lui-même, et continuerait de valoir si Dieu n’existait pas ou était autre. D’ailleurs, qu’est-il ? Nul prophète juif n’a prétendu le savoir, mais seulement ce qu’il voulait ou ordonnait. Le judaïsme est religion du Livre, et ce Livre est une Loi (une Thora) bien davantage qu’un Credo: c’est ce qu’il faut faire qu’il énonce, bien plus que ce qu’il faudrait croire ou penser! D’ailleurs on peut croire ce qu’on veut, penser ce qu’on veut, c’est pourquoi l’esprit est libre. Mais point faire ce qu’on veut, puisque nous sommes en charge, moralement, les uns des autres.
Si le Christ n’est pas Dieu, s’il n’est pas ressuscité, que reste-t-il du christianisme? Rien de spécifique, rien de proprement religieux, et pourtant, à mes yeux d’athée, l’essentiel: une certaine fidélité, une certaine morale - une certaine façon, parmi cent autres possibles, d’être juif... Il m’est arrivé, quand on m’interrogeait sur ma religion, de me définir comme goy assimilé. C’est que je suis judéo-chrétien, que je le veuille ou pas, et d’autant plus assimilé, en effet, que j’ai perdu la foi. Il ne me reste que la fidélité pour échapper au nihilisme ou à la barbarie.
Il y a quelques années, lors d’une conférence à Reims ou à Strasbourg, je ne sais plus, j’eus l’occasion de m’expliquer sur ces deux notions de foi et de fidélité. Après la conférence, qui se passait dans une faculté ou une grande école, se tient une espèce de cocktail. On me présente un certain nombre de collègues et de personnalités. Parmi celles-ci, un rabbin.«- Pendant votre conférence, me dit-il, il s’est passé quelque chose d’amusant...- Quoi donc?- Vous étiez en train de parler de fidélité. Je dis à l’oreille de l’ami qui m accompagnait: Cela me fait penser à une histoire juive. Je te la raconterai tout a l’heure..."- Et alors ?- Alors, c’est l’histoire que vous avez racontée vous-même, quelques secondes plus tard! »
Voici donc cette histoire, qui me paraît résumer l’esprit du judaïsme, ou du moins la part de lui qui me touche le plus, et qu’il me plaît de voir ainsi, en quelque sorte, authentifiée.C’est l’histoire de deux rabbins, qui dînent ensemble. Ils discutent de l’existence de Dieu, et concluent d’un commun accord que Dieu, finalement, n’existe pas. Puis ils vont se coucher... Le jour se lève. L’un de nos deux rabbins se réveille, cherche son ami, ne le trouve pas dans la maison, va le chercher dehors et le trouve en effet dans le jardin, en train de faire sa prière rituelle du matin. Il va le voir, quelque peu interloqué:- « Qu’est-ce que tu fais?- Tu le vois bien : je fais ma prière rituelle du matin...- Mais pourquoi ? Nous en avons discuté toute une partie de la nuit, nous avons conclu que Dieu n’existait pas, et toi, maintenant, tu fais ta prière rituelle du matin?!»L’autre lui répond simplement:- « Qu’est-ce que Dieu vient faire là-dedans?»
Humour juif: sagesse juive. Qu’a-t-on besoin de croire en Dieu pour faire ce que l’on doit? Qu’a-t-on besoin d’avoir la foi pour rester fidèle?
Dostoïevski, à côté, est un petit enfant. Que Dieu existe ou pas, tout n’est pas permis : puisque la Loi demeure, aussi longtemps que les hommes s’en souviennent, l’étudient et la transmettent.
L’esprit du judaïsme, c’est l’esprit tout court, qui est humour, connaissance et fidélité.
Comment les barbares ne seraient-ils pas antisémites ?
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El café de Ocata
He pasado cuatro formidables días en un Madrid primaveral y acogedor, acumulando pruebas de amistad y cansando del bueno. Llevaba varios proyectos y compromisos en la maleta y todos han salido bien. En todos he reforzado lazos de estima y en todos se han abierto nuevas posibilidades.
Resumo lo mucho que he vivido en estas fotos:
Ponencia inaugural en el encuentro "Quijotes de la enseñanza", organizado por la Fundación Tatiana en el Espacio Larra. Mi ponencia se titulaba "La permanente actualidad de los clásicos".
Con mi amiga Ana Palacio, a la que cuanto más conozco, más quiero y admiro, en un coloquio en el mismo encuentro. Delante teníamos a más de un centenar de profesores universitarios de toda España.
Entre Álvaro Matud y Fernando Savater -a quienes no considero exagerado llamar amigos-, en una noche memorable en la sede de la Fundación Tatiana. Presentamos mi libro
En busca del tiempo en que vivimos en una sala a rebosar, con muchas personas de pie. De hecho no hubo sitio para todos. ¡Qué bien que nos lo pasamos y cuánto nos reímos!
Ese magnífico ejemplar de ser humano que es Pedro Herrero se encargó de dejar constancia de cómo se preparaba el acto. En este momento aún estaba entrando gente. A la izquierda, Helena Farré, la mejor sonrisa de Madrid. En el vino posterior hubo tiempo para saludar, hablar y planificar sueños con personas tan queridas como Alberto Catalán, Álvaro Petit, Marta Fernández Munárriz, José María Marco, María Blanco, Choni Bados, Aurora Nacarino, Luis Herrero, Diego S. Garrocho, Pablo de Lora, Juan Claudio de Ramón, José María Sánchez Galera, David Jiménez Torres, ... y todos los que me dejo.
Con dos gigantes, Carmen Iglesias y Fernando Savater, en la Fundación Ramón Areces. ¡Qué entrañable, Carmen! Conocerla es amarla.
En la librería Ontanilla, en Aravaca, a donde nos desplazamos el viernes por la tarde. En Aravaca nos quedamos a cenar, invitados por las Diotimas. El encuentro tenía como objetivo presentar la Editorial Rosamerón y el éxito superó todas las expectativas.
Añadamos una comida con Álvaro Delgado Gal, Álvaro Matud y Leticia Lombardero; los desayunos en la chocolatería San Ginés, la comida en casa de Ana Palacio, un café con Montserrat Gomendio, un buen rato con Nuno Crato, una entrevista con Helena Farré...